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Réflexions sur le dualisme des forces de maintien de l’ordre en France, à l’occasion des 80 ans de la création des CRS

Depuis un siècle, la Gendarmerie et la Police ont eu, tour à tour, la première place parmi les forces mobiles de maintien de l’ordre public. Pour arriver, aujourd’hui, à une situation de “dualisme coopératif“ équilibré, qu’il convient à tout prix de préserver.

Quand le gouvernement provisoire du général De Gaulle, par décret du 8 décembre 1944, crée les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), c’est d’une part pour rebaptiser les groupes mobiles de sécurité (GMR), créés par le gouvernement du maréchal Pétain, partie intégrante de la Police, et dissoutes la veille ; mais aussi, pour intégrer une partie importante des “Milices patriotiques“, encore armées, et dominées par le Parti communiste.
Il faudra d’ailleurs plusieurs mois à Maurice Thorez, secrétaire général du PCF – ramené de Moscou par le Général dans son avion, dix jours plus tôt, le 27 novembre 1944 – pour faire en sorte que tous les chefs de ces milices rentrent dans le rang, et livrent leurs armes… On pense que Staline lui-même avait fait la leçon dans ce sens au dirigeant communiste français, précédemment qualifié de “déserteur”.

De ce fait, à la création des CRS, on estime que les deux tiers des effectifs sont issus du régime de Vichy, et un tiers de la résistance communiste. On conçoit, dans ces conditions, que les premiers gouvernements successifs de l’après-guerre ont regardé ces unités avec une certaine méfiance.

C’est à l’occasion de la répression brutale des grandes grèves de la fin de 1947, Jules Moch étant ministre de l’Intérieur, que les CRS obtiennent, aux yeux des gouvernements de la IVème République, leur brevet de républicanisme.

Leurs effectifs montent alors en puissance, pour aboutir aujourd’hui à quelque 13.500 policiers, répartis en 75 compagnies, dont 12 sont spécialisées. La Lopsi de 2002 précisait que les sept préfets de zone de défense, étaient les autorités d’emploi des unités disponibles, implantées sur leurs ressorts.

Autre force de maintien de l’ordre, la gendarmerie mobile (GM), avec ses 116 escadrons, rassemble 17.000 militaires, gendarmes adjoints compris. Leur statut est différent de celui des CRS, mais l’histoire contemporaine de la GM la distingue également. Celle-ci, depuis un siècle, a été mouvementée.
Sa création remonte à 1921, sous un gouvernement d’Aristide Briand, du parti radical-socialiste. Elle prend la forme de pelotons mobiles, au sein de la gendarmerie départementale, et devient subdivision de l’Arme en 1926, prenant le nom de garde républicaine mobile (GRM). C’est alors la seule formation spécialisée dans le maintien de l’ordre, jusque-là souvent confiée à l’Armée.
Organisée en compagnies, en groupes et en légions, elle monte progressivement en puissance pour atteindre un effectif de 21.000 hommes en 1939.
Les autorités allemandes exigent la dissolution de la GRM après l’armistice de 1940. Elle est partiellement remplacée en zone sud, dite libre, par la Garde, une nouvelle organisation, séparée de la gendarmerie et placée sous l’autorité de la direction de la Cavalerie, du Train et de la Garde dans l’armée d’armistice. Après l’invasion de la zone libre en novembre 1942, l’armée d’armistice est dissoute et la garde passe sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur.

Réunie à la Gendarmerie en 1944, elle prend l’appellation de garde républicaine jusqu’au décret du 20 septembre 1954, qui change son nom en gendarmerie mobile.
Déployée en permanence outre-mer et régulièrement engagée dans les crises et conflits à l’étranger aux côtés de l’armée de Terre, son cœur de métier reste le maintien de l’ordre. Tout comme les CRS…

Quant à leurs statuts, ils sont très différents : les CRS sont des fonctionnaires civils, souvent syndiqués, tandis que les gendarmes mobiles sont des militaires, logés en caserne par nécessité absolue de service. En déplacement (plus de 200 jours par an), de fait, les gendarmes acceptent des conditions d’hébergement souvent plus rustiques…

La coordination entre ces deux forces est assurée par l’Unité de coordination des forces mobiles (UCFM), placée sous la double autorité des directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie nationales, est chargée de déterminer les unités — EGM ou CRS — à engager dans des missions nationales et de décider de l’octroi de renforts aux préfets de zone pour des opérations requérant un volume de forces supérieur à leurs ressources. L’UCMF, sous le contrôle du ministre de l’Intérieur et de son cabinet, suit en temps réel la position des forces.
Aux dires des responsables opérationnels, la coopération entre ces deux forces se passe bien, dans un esprit “coopératif“. Ce qui est d’autant plus nécessaire que, dans les occasions les plus sensibles, sous l’autorité des préfets, elles sont engagées ensemble. Ainsi pour toutes les grandes manifestations parisiennes, pouvant rassembler, dans la seule Capitale, plus de 500.000 participants.

Ce dualisme des forces de maintien de l’ordre, avec leurs statuts différents, n’est aujourd’hui plus contesté par personne.
Cependant, encore en 2022, le programme de La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon se proposait de regrouper dans une seule force civile Police et Gendarmerie nationales, à l’exception de la Garde républicaine, dont la réputation pour les services d’honneur dans les palais nationaux ne leur avait pas échappé ! Un projet abandonné dans le programme du Nouveau Front populaire (NFP) pour les dernières législatives.

Pour maintenir l’ordre en toute circonstance politique, le maintien de ce dualisme de nos forces est une nécessité. Celle-ci a besoin, en outre, de moyens appropriés, en termes de personnels, de matériels et de formation.
On sait que le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier a acquis une réputation d’excellence à un niveau mondial. Tout comme le GIGN et le Raid, dans leurs domaines.

Quoi qu’il arrive au plan économique ou politique, il est indispensable pour la sécurité générale de tous, de conserver chacune de ces deux forces au plus haut niveau possible d’efficacité. Et donc de priorité dans les choix budgétaires.

Alain Dumait

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