En matière de sécurité publique, comme dans d’autres, tôt ou tard, la réalité s’impose. Même quand son principe n’a pas été observé, pendant longtemps, trop longtemps…
Les causes profondes des phénomènes sociaux sont presque toujours complexes.
Laissons aujourd’hui de côté – pour une fois… – les commentaires polémiques qui se sont multipliées depuis le meurtre du jeune Thomas, à Crépol, dans la soirée du vendredi 17 novembre.
Il n’est pas contesté que les assaillants venaient essentiellement du quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, à 20 kilomètres de là.
La situation et la sociologie de ce quartier de 4.500 habitants est bien documenté : c’est une zone de non-droit, livré aux trafics de drogues, au sein duquel une petite minorité de jeunes en situation de décrochage scolaire fait régner la terreur.
La maire de cette commune de 34.000 habitants réclame, en vain, que ce petit noyau perturbateur soit « exfiltré » par les services sociaux de l’Etat. Qui manifestement ne sait comment faire…
Pour comprendre et essayer de trouver une solution de retour à la tranquillité publique dans la durée, il faut commencer par le début du film.
On est à la fin des années cinquante. La construction de logements bat son plein. Les villes nouvelles surgissent. L’habitat collectif, avec ses barres et ses tours fait l’unanimité parmi les décideurs publics. Il faut d’urgence reloger un million de pieds-noirs rapatriés d’Algérie. Quelques années plus tard, les primo-occupants sont progressivement remplacés par des bénéficiaires de logements sociaux. L’insécurité s’installe. Les véhicules disparaissent des parkings en sous-sol, pour qu’ils ne soient pas « désossées », les espaces verts, d’abord pimpants, deviennent des dépotoirs. Les gardiens et les services de sécurité des bailleurs sont débordés. Dès les années 90, on parle d’une zone de non-droit….
Et l’urbanisme des grands ensemble ? Et le logement social de ghetto ?..
Première remarque : à peu près rien n’avait été prévu, à l’origine, pour la sécurité publique ! Le quartier comptait, avant réhabilitation, jusqu’à 8.000 habitants. Et pas un seul commissariat de police ! A l’époque, pas de police municipale… Aujourd’hui, on croit rêver… C’eût été tellement plus simple d’y penser plus tôt, et ainsi de prévenir….
On voit donc que les choix urbanistiques, ainsi que la politique dite du « logement social » – qui, là comme dans beaucoup d’autres endroits, a abouti à la constitution de ghettos – doivent être incriminés, en même temps que la faillite de l’assimilation de familles venues d’ailleurs.
Sans cet examen, puis une prise de conscience, pas de solution possible.
Et on comprend aussi, nous semble-t-il, que la présence éphémère de compagnies de CRS, ou d’escadrons de gendarmes mobiles aux pieds des immeubles concernés, ne peut aboutir à des solutions durables.
La maire de Romans-sur-Isère, Marie-Hélène Thoraval, dans son entretien de mardi dernier 28 novembre sur BFM-TV, a dit excellemment ce qu’il fallait faire : mettre les responsables publics autour d’une table, exfiltrer les meneurs, et mobiliser les moyens qu’il faut pour garantir la tranquillité publique, à Romans comme ailleurs.
Toujours, les erreurs originelles se payent, cher. Et c’est difficile. C’est pour cela qu’il faut le faire !
A Romans, comme ailleurs, les pistes cyclables et les nouvelles médiathèques peuvent bien attendre…
Alain Dumait
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